Auteur: Alexandre HOS
Roman contemporain, Opération BrabanCIA nous replonge dans les méandres et les secrets de la Guerre froide. Cette époque où les manipulations, les coups tordus et autres crimes non signés étaient légion. Au cours de ce périple, Saint Val met à jour des affaires vieilles de plus de trente ans et jamais élucidées.
Avant tout de l'espionnage. N'ayons pas peur des mots : oui, Opération BrabanCIA est un roman d'espionnage à l'ancienne avec les codes propres au genre : humour, sexe, action, mensonge, trahison et excès de patriotisme, le tout dans une ambiance enfumée où l'alcool coule à flot.
Novembre 2011, le Président de la République fait appel au patron de la plus secrète des agences de renseignement de l'Héxagone : l'ASPIC. Les vipères doivent venir en aide à un dirigeant européen sous le feu d'un complot fomenté par d'anciens membres des services secrets passés dans le privé.
Pour cette mission, Serpentes choisit Saint Val, son meilleur élément.
Rien ne laissait penser que cette affaire de chantage mènerait Saint Val sur la piste des tueurs les plus recherchés d'Europe. Les tueurs du Brabant wallon. Une plongée dans les méandres de la Guerre froide, au sein des opérations noires de la CIA et du KGB.
L’espiolar, vous connaissez ? L’espiolar est un terme inventé par l’auteur, qu’il définit comme un roman d’espionnage sauce polar. Une littérature encore très peu connue. Et c’est bien dommage, car cet exercice, ô combien périlleux pour l’auteur, peut s’avérer passionnant et même addictif pour le lecteur !
BrabanCIA est de cette veine et sera considéré un jour comme l’ouvrage précurseur de l’espiolar.
Sous le pseudonyme d’Alexis Saint Val (qui est également le nom de son héros principal), l’auteur développe son intrigue avec talent et brio, avec pour toile de fond la pire période que l’Europe d’après-guerre ait connu : les années de plomb. Des vagues de terreur s’abattant sur les populations civiles, aveuglément. Une période s’étalant grosso modo des années 60 aux années 80. Des années à marquer d’une pierre noire où l’incrédulité se disputait à la peur. Des noms et des événements qui glacent le sang rien qu’à leur évocation : Action Directe, Brigades rouges, Cellules communistes combattantes, attentat de la gare de Bologne, attaque de la caserne de Vielsalm, mouvements néo-fascistes, CIA, KGB, réseaux Stay-Behind, stratégie de la tension. C’était la guerre froide, où tout aurait pu basculer très vite en affrontement nucléaire entre les démocraties libérales de l’Ouest et le bloc communiste de l’Est. L’OTAN contre le Pacte de Varsovie. Le camp du bien contre le camp du mal, chacun se réclamant de la première catégorie. Une période marquante de l’Histoire où tout était permis et qui laissera encore longtemps des traces dans les esprits, la diplomatie et la stratégie militaire.
Fort d’une expérience professionnelle dans le domaine de la sécurité, d’une érudition jamais prise en défaut, et muni d’une importante documentation, l’auteur sait de quoi il parle. C’est la force de ce roman à clefs qui reprend les ingrédients indispensables à un bon espiolar se déroulant sur fond de « grand jeu ». Prenez un shaker. Versez une pointe d’armes à feu de gros calibre, une lampée d’agents secrets troubles, une poignée d’hommes politiques véreux, une rasade de coups fourrés, une pincée de réseaux non officiels. Secouez une première fois. Rajoutez une cuillère à soupe remplie de gadgets sophistiqués, de terrorisme et de chantages. Terminez par un zeste d’érotisme. Vous obtiendrez un cocktail détonant à ne pas mettre entre toutes les mains sauf dans celles du héros principal, agent de la très secrète Agence spéciale de protection des intérêts communs (ASPIC).
Saint Val fait évoluer son roman entre ces années troubles et notre époque contemporaine, car notre présent ne peut que s’éclairer qu’à la lumière clair-obscur du passé.
Le romancier n’oublie pas ses racines et replonge son espion favori dans l’enquête sur les tueries du Brabant, une affaire criminelle gravissime que les moins de cinquante ans connaissent très mal malgré les rebondissements nombreux. Entre 1982 et 1985, une bande de malfrats masqués a abattu froidement 28 personnes dans des attaques de commerces ou de grandes surfaces. Leur arme de prédilection : le fusil à pompe qui impressionnait et déchirait les chairs. Des centaines d’enquêteurs et une dizaine de juges d’instruction ont tenté de résoudre la plus grande affaire criminelle de Belgique. En vain. Et avec en ligne de mire 2025, date à laquelle le dossier sera prescrit. Qui étaient-ils ? De « simples prédateurs » pour reprendre l’expression d’un procureur du Roi ? Des soldats perdus d’une cause incertaine ? Des mercenaires ou des militaires des réseaux Stay-Behind qui seraient passés à l’action pour renforcer les mesures sécuritaires face à un ennemi rouge à la fois si lointain et si près ? Des gendarmes se sentant investis d’une mission, des racketteurs d’une grande chaîne de supermarchés, des psychopathes, tuant par plaisir, des nervis d’une milice néonazie cornaquée par des maîtres-espions de la Sûreté de l’État ? Malgré une multitude de pistes, l’affaire reste un mystère.
La Justice va-t-elle échouer et perdre son honneur déjà mis à mal par d’autres affaires ? Il faut espérer que non, bien que les chances de résoudre l’affaire après tant d’années soient infinitésimales. Trop de gens ont souffert, l’opinion publique a été longuement ébranlée par ces massacres gratuits, et lors des fêtes de fin d’année, certaines chaises ne sont plus occupées. L’enquête continue et l’espoir subsistera.
À sa façon, Saint Val continue de parler de l’affaire et de la faire découvrir à de nouvelles générations. Pour ne jamais oublier l’indicible. BrabanCIA étant un roman à clefs, l’auteur nous propose sa propre théorie qui ne manque pas d’intérêt.
En introduction, le romancier cite ses maîtres : Flemming, Le Carré, de Villiers. Des orfèvres dont il n’a pas (encore) atteint la célébrité. On sent leur influence à travers les pages et Saint Val pourrait devenir leur digne successeur. C’est tout le mal qu’on lui souhaite.
Merci Alexis Saint Val pour ce roman atypique et bonne route pour la suite.
Michel Leurquin
Auteur
Mes deux premiers espiolars rassemblés dans une nouvelle édition augmentée et adaptée. Le premier opus des aventures de Saint Val, un héros atypique que j'aime beaucoup. Pour paraphraser Fleming et son intemporel James Bond, je dirais que Saint Val est l'espion que j'aurais aimé être.